« Travailler au zoo de Pont-Scorff me sauve la vie ». À 36 ans, Nicolas, qui présente des troubles autistiques, a trouvé dans sa passion pour les animaux sauvages le chemin d'une insertion sociale et professionnelle. Ce projet a été imaginé en Bretagne par Le Châlet, une structure rare pour ce public éloigné de l'emploi. Brosse à la main, bottes aux pieds, Nicolas nettoie ce matin-là la cage des Maki Catta tandis que dans leur enclos, ces petits lémuriens, reconnaissables à leur longue queue rayée noire et blanche, se prélassent au soleil.
Huit personnes accueillies
« Je suis ici depuis 2001, raconte Nicolas. Les animaux sauvages me passionnent depuis mon enfance. Travailler ici me permet d'assouvir cette passion. Ça me fait...une zoothérapie. » Huit personnes porteuses du syndrome d'Asperger, une forme particulière d'autisme, travaillent chaque jour dans ce zoo privé, près de Lorient, dans le cadre d'une convention entre l'ESAT (Établissement et Service d'aide par le travail) de Guidel, dans le Morbihan, dont le Châlet est une structure détachée, et le parc animalier. Dans ce zoo vivent, sur environ 12 hectares, 600 animaux. Le fondateur, Pierre Thomas, aujourd'hui décédé, « s'est toujours montré sensible à l'intégration des personnes en situation de handicap », rappelle Annette Fréoux, directrice de l'ESAT de Guidel.
Gérer la communication
Cette expérience originale, prévue au départ pour durer cinq ans, est née en 1999 avec pour objectif d'accueillir au zoo des travailleurs porteurs du syndrome d'Asperger. S'ils se montrent « exigeants et méticuleux dans leur travail », les employés présentent « des troubles sur tout ce qui tourne autour de la communication, le contrôle des émotions, notamment en cas d'imprévus, la compréhension de l'intention de l'autre », explique Annette Fréoux.
Autant d'éléments pris en compte dans l'organisation de leur journée : dans une salle qui leur est réservée, les tâches successives de chacun des travailleurs -préparation de la nourriture des animaux, nettoyage d'enclos, lavage des vitres- ainsi que les pauses sont indiquées sur un tableau. À chacun d'en prendre connaissance. Le matin, un temps est mis à profit par le personnel encadrant pour déceler un éventuel problème. « La personne ne sait pas dire si elle est fatiguée, si elle a eu un ennui dans le bus en venant au zoo ou si elle est malade », souligne la directrice de l'ESAT.
« Programme à la carte »
« Nous pouvons changer le planning en fonction des besoins », précise Catherine Bardouil, éducatrice spécialisée. Une sorte de « programme à la carte », chacun travaillant selon ses capacités, dans un environnement et un espace structurés. Apprentissage, communication et exercice de la socialisation notamment auprès des soigneurs du parc… « Tout est mis en place pour qu'on soit à l'aise », se réjouit Romain, un des trois volontaires pour les interviews. « Je suis super heureux », confie le jeune homme de 21 ans. Pour rien au monde je ne changerais de métier. »
« Il y a des moments difficiles, que j'accepte parce que je veux gagner ma vie », confie de son côté Robin, avec une pointe d'anxiété dans la voix. Entre le salaire versé par le zoo et l'AAH (Allocation adulte handicapé), il touche environ un Smic. Mais le projet du Châlet ne s'arrête pas au seul objectif d'insertion professionnelle. Il revêt un caractère social avec, hors travail, l'intervention du service d'accompagnement à la vie sociale (SAVS). « C'est un accompagnement dans la vie de tous les jours, qui les aide à s'organiser, prioriser, une difficulté chez ces personnes », estime Annette Fréoux.
Trop peu de structures d'accueil
Pour Romain, qui habite un foyer de jeunes travailleurs à Lorient, avoir intégré la structure du Châlet « apporte beaucoup plus d'autonomie, pour se débrouiller tout seul, notamment pour venir au boulot le matin ». « Cela m'a inspiré pour la vie quotidienne », renchérit Nicolas.
« Le Châlet est en France une vitrine, poursuit Annette Fréoux. C'est une structure 100% individualisée, qui a le souci de répondre au handicap dans sa globalité : la maladie, le social, mais également les familles, parce que beaucoup d'entre elles ont souffert de ne pas trouver de structure adaptée ». La directrice déplore aujourd'hui le manque de structures d'accueil. En France, on compte environ 650 000 atteintes de troubles autistiques.
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